A l’occasion de la quinzième édition du festival « Jazz à la Villette » se tenant du 30 Août au 11 Septembre 2016, j’ai opté, contrairement à l’année dernière, pour un programme allégé et partagé à égalité entre concerts « principaux » et concerts « Under the radar », manifestation « à part » du festival se déroulant hors des sites de la Villette.
Comme lors de tant d’autres festivals de 2016, la programmation, certes variée, ne nous a pas épargné, comme têtes d’affiche, la présence d’artistes d’un « autre âge » tels qu’Ernest RANGLIN, 84 ans, Archie SHEPP, un habitué, 79 ans, Mac Coy TYNER, 78 ans, Chick COREA et Chucho VALDES, 75 ans. Je sais, on va encore me traiter de gérontophobe. Et si on me demande « Vous n’aimez pas les vieux ? », je répondrai : »Je ne sais pas, je n’en ai jamais mangé ! ». A une exception près, j’ai donc évité les prestations de ces étoiles vieillissantes, déclinantes diront certains.
Mon périple musical a débuté le mardi 30 Août, à la Cité de la Musique, avec Ernest RANGLIN, figure emblématique de la musique jamaïcaine et du ska en particulier. « Des pâtes, des pâtes oui mais des patriarches ! ». Je n’ai pas pu l’éviter. Avant le passage de notre génial guitariste octogénaire, c’est le quartet du batteur-percussionniste guadeloupéen Sonny Troupé qui a assuré la première partie avec sa musique fusionnant jazz et rythmes traditionnels antillais pour le plus grand plaisir du public. Le leader était entouré du merveilleux pianiste Grégory PRIVAT, du bassiste Mike ARMOGUM (connu également comme un des piliers du groupe de Boney FIELDS) et du percussionniste Olivier JUSTE (tambour KA). Après cette mise en bouche bien épicée, c’était donc au tour d’Ernest RANGLIN et de ses amis d’occuper la scène. J’ai eu l’impression d’assister, au cours de ce set, à une succession de « numéros d’artistes », le leader se faisant voler la vedette par le chanteur, guitariste et percussionniste Cheikh LÔ et le saxophoniste Courtney PINE, les autres partenaires se montrant moins envahissants, à savoir : Alex WILSON, claviers, Ira COLEMAN, contrebasse, au jeu chaleureux et élégant, et Tony ALLEN, batteur et vieux compagnon de route de FELA. Décevant.
Les vendredi 2 et dimanche 4 Septembre, j’ai assisté, en grande partie, à deux des trois soirées « Under the radar » organisées au Studio de l’Ermitage, c’était une première pour cette salle, et coproduites par « ABALONE Productions, le label du violoniste Régis HUBY. Sachant que je n’ai pas assisté à l’intégralité des deux soirées, je peux seulement vous dire que j’ai particulièrement apprécié, le vendredi, le set de Marc DUCRET et Journal Intime qui constitua un grand moment musical pour la qualité de l’écriture et de l’interprétation. Je vous recommande l’album de cette formation, intitulé « Paysage avec bruit ». En raison d’un problème d’emploi du temps, je n’ai pas pu entendre, le dimanche, le quartet de Régis HUBY. Je me suis consolé avec l’écoute de son remarquable CD « Equal Crossing ».
Mardi 6 Septembre, « re-Under the Radar » mais cette fois-ci à la Dynamo. Le programme annonçait en première partie, le groupe PIXVAE, déjà entendu lors d’un concert au Studio de l’Ermitage, et en seconde, Théo CECCALDI « Freaks » mais l’ordre d’apparition a été inversé à ma grande satisfaction car j’avoue que je n’avais pas particulièrement envie de réentendre PIXVAE. Quant au projet « Freaks » du violoniste hors normes Théo CECCALDI, déjà entendu lors des soirées « TRICOT » 2016 à la Générale à Paris, en plus d’être audacieux et inventif, il a paru plus abouti et moins assourdissant. Sans nier son originalité, ce projet m’a fait penser par instants à l’univers musical de Frank ZAPPA.
Jeudi 8 Septembre, retour sur le site de la Villette, à la Grande Halle, pour une soirée « afro beat » avec « Vaudou Game » en première partie, et « Tribute to Fela » avec Seun KUTI et Egypt 80 plus des invités de marque, en seconde. Bien qu’il ait « chauffé » la salle, « VAUDOU Game » et son afro beat à la française n’a, en aucun moment, soulevé mon enthousiasme. Ensuite, avec le second set, on est nettement passé à la catégorie supérieure avec Seun KUTI, fils cadet de FELA et continuateur de l’œuvre de son père. De l’afro beat dans toute sa splendeur et son incandescence. Les invités : IBEYI, Talib KWELI, Tony ALLEN, encore lui, et Cheick Tidiane SECK se sont parfaitement fondus dans cet hommage sur vitaminé. En regardant les photos que j’ai prises lors de ce concert, j’ai dû admettre que j’avais fait une fixation sur les choristes-danseuses accompagnant Seun KUTI, et je peux finalement m’estimer heureux de ne pas m’être provoqué une exophtalmie fulgurante à la manière du loup de Tex AVERY !
Le Vendredi 9 septembre, à la Cité de la Musique, à l’occasion de la dernière étape de mes tribulations, je suis passé à un tout autre univers, nordique celui-là, avec, lors du premier set, le talentueux pianiste arménien TIGRAN et des musiciens norvégiens de haut vol, et lors du second, le trompettiste norvégien Nils Petter MOLVAER et son quartet. La prestation de TIGRAN et de ses acolytes scandinaves m’a plongé dans un demi-sommeil. L’ennui viendrait-il du Grand Nord ? Je n’en ai pas eu la confirmation, fort heureusement, avec le quartet de Nils Petter MOLVAER qui m’a beaucoup plu avec sa musique électroacoustique se singularisant par une grande variété de rythmes et de sonorités.
Si j’ai retiré globalement une impression mitigée des concerts auxquels j’ai assisté, par contre, j’ai constaté une forte affluence à chacun d’eux, ce qui laisserait croire que l’amour de la musique demeure plus fort que la peur susceptible d’être ressentie en ces temps troublés.
Olivier BENIZEAU